Nantai-san
Je n'avais jamais eu affaire à un Dieu-montagne jusqu'à ce jour où j'ai fait la connaissance de Nantai-san.
Contexte : le Mont Nantai ou Futurasan domine la région de Nikko de ses 2.500m. C'est à lui que l'on doit le côté sacré des environs et l'apparition de moines ascètes il y a 1.000 ans. Pour le Shintoïsme, c'est un Dieu qui créa la région lors de son combat avec le Dieu-montagne voisin. A ce titre il est célébré et fait l'objet d'un culte dans un triple sanctuaire : dans la vallée, au pied de la montagne, au sommet.
D'un point de vue géologique -c'est moins glamour- Nantai-san est un beau strato-volcan dont les pentes deviennent de plus en plus raides à mesure que l'on approche du cratère. Notion-clé quand on en entreprend l'ascension ! Il est à l'origine de la formation du pittoresque lac Chuzenji à son pied, alimente les onsen de la région et les multiples chutes d'eau dans ses environs dont la célèbre Kegon-no-taki qui tombe de près de 100m. Ses dernières éruptions datent déjà de plusieurs siècles mais il est soupçonné d'être encore actif (d'ailleurs nous avons croisé une fumerolle sur notre passage...).
Nous hésitions à entreprendre la randonnée avec le mauvais temps, mais le côté fou de grimper au sommet d'un volcan et l'exotisme de l'itinéraire (visant à relier les sanctuaires du pied et du sommet) nous ont finalement motivés. Pour le meilleur et pour le pire.
Nantai-san en dessin et en vrai...
Tout commence donc au sanctuaire Futarasan où il faut payer son tribut pour pouvoir entamer la randonnée. Le personnel est très bien renseigné sur le temps de montée et les carrefours à ne pas manquer ; nous avons même droit à une amulette sensée nous protéger de l'ire du Dieu (traduisez, nous protéger des divers dangers : glissements de terrains, tremblements de terre, ours et autres singes qui peuplent les forêts... N'osons pas évoquer l'éruption).
Les marches en pierre du départ laissent vite la place à un sentier boueux, racineux, caillouteux, que la pluie rend terriblement glissant (je vous laisse imaginer l'état de nos chaussures quand nous sommes rentrés à l'hôtel). La pente se durcit progressivement, et le sentier s'acharne à monter tout droit en ignorant les lacets...
Après près de 3 heures de montée, un régime de bananes et quelques mini bits (les connaisseurs apprécieront), la terre et la pierre cèdent la place au basalte : des vestiges rouges, noirs, jaunes... Des dernières éruptions. Le paysage devient carrément lunaire à l'approche du bord du cratère.
Enfin un torii se distingue dans la brume : le sanctuaire du sommet ! Il y a une cloche que nous sonnons pour signaler notre arrivée (copiant nos voisins de devant). Malheureusement, temps de m*rde oblige, aucune vue ! Par temps clair on voit, parait-il, un superbe panorama sur les alpes japonaises.
Les gens qui déjeunent avec nous sont extrêmement aimables bien que nous ne parlions aucun langage commun. Plus généralement, nos randonnées japonaises ont été l'occasion de rencontres comme on n'a pas pu en faire ailleurs, de communication par signes et de francs éclats de rire. Le tout parfois à deux pas des sentiers touristiques majeurs ! Je recommande la marche à pieds nipponne !
Et là, en théorie, le lac Chuzenji 1.000 m plus bas...
...C'est donc à la tombée du jour que nous rejoignons le pied de la montagne, couverts de boue mais heureux. Nantai-san a plutôt été clément avec nous en fin de compte. Sauf pour les courbatures monstrueuses qu'il nous a laissés, nous rendant presque infirmes alors que nous entamions quatre jours de visites historiques à Kyôto !