Politique niçoise x roman d'action

Récemment, j'ai trouvé par hasard en librairie un livre de Joann Sfar. Curieux, je connais surtout cet auteur pour ses bandes dessinées très philosophiques, pas toujours faciles d'accès : de la BD d'auteur, quoi. Le titre et un rapide scan de la 4e de couverture m'apprennent que l'auteur est niçois, et qu'il écrit aussi des romans sur sa ville natale : il ne m'en fallait pas plus pour passer à la caisse avec mon butin. Bien m'en a pris ! 

Avantage d'être auteur et dessinateur : faire ses propres illustrations de couverture

Nouvelle arrivante dans la région, j'ai découvert une culture politique plutôt différente des villes où j'avais habité jusque là. La longévité des maires est impressionnante et il n'est pas impossible que leur mandat se termine brutalement par décès, suivi d'une pagaille dans laquelle se mélangent dissimulation en hâte de documents compromettants, organisation d'élections et changement de majorité (cf le cas de Menton récemment).

Joann Sfar reprend ce principe et le développe en version film d'action. Il s'empare de la figure de Jacques Médecin (Merenda dans le livre), autrefois maire adoré et controversé de Nice qui finit sa vie en Amérique du Sud pour échapper à un procès après avoir détourné l'argent public pendant des années... Bref, il transforme le plus connu de ces politiciens azuréens en héros vengeur revenu des tropiques avec des cigares et une furieuse envie de reconquérir sa ville. Mais les temps ont changé... Face à lui, on trouve un Christian "Lestrival" qui marche sur les pas de son père spirituel tout en apportant sa modernité. Dans cette histoire, les scènes d'action grand guignolesques alternent avec des réflexions plus profondes sur le sens de la vie, la culture méridionale et la morale.

Difficile de parler des figures politiques de la Côte d'Azur et de leurs controverses. Le sujet est délicat, presque tabou, d'autant plus que ces personnes restent souvent aimées des contribuables bien après la disgrâce. Joann Sfar réussit l'exercice avec brio car il romance, exagère, apportant une prise de recul salutaire et ce qu'il faut d'humour. Je ne saurais pas dire où s'arrête la part de réel et où commence la fiction, et ne pourrais pas dire que j'ai compris les niçois grâce à ces livres, mais c'est ce flou qui en fait tout l'intérêt.

Voilà qui caresse la géographe dans l'âme que je suis dans le sens du poil. Ces deux livres racontent la Côte d'Azur mieux qu'un guide de voyage, tout en nous transportant dans un récit d'action très rythmé, presque caricatural. Je ne connaissais pas bien Sfar auteur, et je dois dire qu'à ce stade je le préfère au dessinateur !